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La fin de la société française

 

L'essentiel de ce patrimoine séculaire a sombré en quelques années de 1955 à 1959.

La Société Française semblait beaucoup plus solide.

En 1957, elle emploie 1 740 personnes. Elle a de nombreux sous- traitants à Vierzon et dans la région.

C 'est la première entreprise privée du Berry et le cinquième producteur national de tracteurs(mais c 'était le premier avant- guerre).

Après avoir absorbé Brouhot en 1955, elle a acheté les ateliers Merlin (fabrique de tracteurs de Soissons) et les ateliers Amouroux (râteaux, semoirs, à Toulouse).

Elle semble prise d 'un appétit boulimique. En fait, c 'est que ne pouvant plus se développer par croissance interne, elle cherche à le faire par croissance externe pour essayer de grandir face aux géants américains.

En 1957, les difficultés sont déjà très grandes, on arrête la fabrication des batteuses qui se vendent mal .

Toute la vie de la société repose sur le tracteur.

Devant la concurrence américaine, la direction s 'affole et lance sur le marché 2 modèles pas assez, étudiés techniquement.

C 'est l 'échec.

Le PDG demande à rencontrer les dirigeants de Case qui guettaient leur proie.

Case, en 1957, possède au moins 5 usines aux États-Unis et rayonne sur les grandes plaines céréalières centrales (Illinois- Indiana- Iowa).

En 1958, Case prend d'abord 30% du capital de la Société Française puis devient majoritaire le 1er septembre 1958. Il double le capital le 1er avril 1959. Case élimine ainsi un concurrent et prend sa clientèle.

Il lance la production de 1600 tracteurs de type " Société Française " et en livre 500. Ils ne fonctionnent pas ! Il faut les reprendre et repartir à zéro, créer de nouveaux modèles.

C 'est le drame, 1 100 licenciements de mai à juillet 1959 et encore 487 jusqu'en 1961. L 'usine Case, repart par la suite. Mais s 'en est bien fini du matériel de battage.

L 'usine cesse d 'être intégrée, des ateliers sont supprimés.

Des pièces détachées viennent des États-Unis ou de fournisseurs spécialisés.

L 'usine de Vierzon "n'est plus que le maillon d'une chaîne qui met le matériel français à la disposition des États-Unis.

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Il convient de revenir sur les raisons de la chute de 

" La Société Française " et du machinisme agricole vierzonnais en général.

Les erreurs n 'ont pas manqué, il faut placer en tête les défaillances des bureaux d 'études.

La rénovation de l 'usine n 'a pas été suivie par une rénovation des modèles.

C 'est que jusque là, le tracteur se vendait bien et on s 'est reposé sur ses lauriers au lieu d 'anticiper.

Les tracteurs " Société Française " étaient certes robustes mais peu esthétiques et difficiles à 'conduire alors que les tracteurs américains étaient chatoyants et bien habillés.

En 2ème lieu, la fabrication en série des tracteurs, exigeait de lourds investissements en machines- outils, investissements qu'on ne pourrait plus consentir car l 'achat d 'usines avait immobilisé de gros capitaux rentables.

Il convient aussi de souligner la faiblesse des services commerciaux pour prospecter les marchés.

En matière de batteuses, on construisait des engins lourds dont le prix était aligné sur des concurrentes plus légères, d 'ou des pertes financières.

La mauvaise organisation du travail rendait la productivité insuffisante.

Le nombre des cadres et agents de maîtrise était trop élevé.

L'énorme patrimoine de 19ha au cœur de la ville, divisé en îlots, entraînait une énorme manutention.

Ce qu'il faut mettre en exergue, c 'est que les maisons locales ont passé leur temps à se concurrencer.

L'histoire de la machine agricole Vierzonnaise est celle d'une lutte fratricide et stérile.

L 'évolution technique, depuis 1929, a été trop rapide pour eux et les a emportés dans un tourbillon. Presse à haute densité, batteuse métallique, tracteur, moissonneuses batteuse, ramasseuse, les matériels n 'en finissaient pas de changer, d 'autant plus qu'il fallait assumer de très nombreuses variantes à partir d 'un modèle de base et réaliser de très petites séries, au goût des clients, ce qui rendait difficile la rationalisation du travail.

Il faut rappeler aussi le caractère saisonnier des ventes( 9/10 ème de mai à septembre), sauf en tracteurs.

Les rentrées sporadiques d 'argent gênaient la trésorerie, encore immobilisée par les stocks de bois jusqu'à une certaine époque.

Aussi, avec la déferlante du matériel américain après- guerre, favorisée par le plan Marshall qui subordonnait l'octroi d'aides financières à l'Europe à l'achat de produits américains, Vierzon n 'était plus armé pour lutter. Ses maisons familiales n 'avaient pas la surface financière des sociétés américaines adossées aux banques et dotées de réseaux commerciaux visant la mondialisation des marchés, d 'autant plus que le marché commun, lancé le Ier janvier 1958 créait de nouvelles règles de concurrence.

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LES DERNIERS SOUBRESAUTS.

 

La suite n 'est qu'un appendice.

L 'usine Case continue, elle a environ 1000 personnes vers 1963.

S 'en est bien fini des batteuses. Outre les tracteurs, elle fait dans les années 60 du montage de moissonneuses- batteuses, fabrique des récolteuses de mais, des récolteuses- hacheuses de fourrages, des faucheuses, des presses ramasseuses, donc encore beaucoup de matériel agricole.

Mais ce n 'est plus qu'une usine secondaire par rapport aux États-Unis, et très dépendante de ceux- ci.

Les matériels sont créés aux États-Unis et les bureaux d'études de Vierzon ne font que de l 'adaptation aux normes françaises et européennes. Ce ne sont que des bureaux de méthodes et d 'outillage.

Un nouvel avatar se produit en 1967- 1968.

Case entre dans le holding Tenneco, société pétrolière du Texas à l 'origine, dont le siège est à Houston.

Tenneco s 'est diversifié en devenant un conglomérat de l 'agri-business, du complexe agro-alimentaire. Sa devise est "from seedling to supermarket ". Une de ses filiales est propriétaire de terres, une autre " Case " fournit les machines agricoles, Tenneco fournit elle-même les produits chimiques et une autre filiale emballe les produits agricoles.

A Vierzon, CASE abandonne les tracteurs à cause de la concurrence, 4 firmes couvraient 90° du marché français(dont 2 autres américains, Massey-Fergusson et International Harrester plus Renault et Someca). Case devait se contenter de 5'% de ce marché ainsi que Vendeuvre.

Autre raison de cet abandon, la disparition de nombreuses petites exploitations agricoles qui achetaient le tracteur 25cv de Case.

 

Extrait de documents et photographies aimablement fournis par la ville de Vierzon et par l'association "Mémoire Industrielle et agricole du pays de Vierzon"

 

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